Réactions du marché et stratégies de placement en période d’incertitude : analyse de Jurrien Timmer

Au cours d’une récente discussion sur le contexte financier, Jurrien Timmer, directeur en chef, Macroéconomie mondiale chez Fidelity Investments, s’est penché sur la complexité de la conjoncture actuelle, notamment en raison des tensions commerciales récentes et de leurs répercussions potentielles.

 

Voici quelques-uns des points à retenir. 

Réponse du marché aux annonces sur les tarifs

M. Timmer a d’abord discuté des réactions immédiates du marché aux récentes annonces sur les tarifs douaniers de 25 %. Bien que la réaction initiale du marché ait entraîné une baisse de 2 % des actions américaines et une hausse importante du dollar américain, M. Timmer a souligné qu’elle a été relativement faible, compte tenu de la gravité potentielle de la situation. À son avis, cela démontre que le marché comprend la nature imprévisible de l’administration actuelle, où les revirements de politiques sont courants et où les annonces initiales ne se traduisent pas toujours par des changements à long terme.

Le bitcoin, souvent considéré comme l’un des principaux indicateurs des actifs à risque, a également connu une forte chute pendant la fin de semaine. M. Timmer a expliqué que le bitcoin se négocie parfois comme une version à effet de levier du NASDAQ, démontrant sa sensibilité à la confiance du marché et à l’appétit pour le risque. L’ensemble du marché, y compris les contrats à terme sur l’indice S&P 500, a réagi de façon prévisible. Les actions ont reculé et le billet vert s’est raffermi, tandis que les obligations sont demeurées relativement inchangées.

 

Rôle des devises et des tarifs douaniers

La vigueur du dollar américain par rapport à diverses devises comme le dollar canadien, le peso mexicain, l’euro, le rand sud-africain et la roupie indienne a fait ressortir les mécanismes d’autocorrection du marché. M. Timmer a précisé qu’un dollar plus fort peut compenser certaines hausses de coûts découlant des tarifs douaniers, atténuant ainsi leur incidence inflationniste. Cette dynamique est particulièrement avantageuse pour les importateurs américains, qui pourraient bénéficier de coûts réduits en raison de l’appréciation de la devise.

Cependant, M. Timmer a également discuté des conséquences économiques potentielles, en particulier pour les pays qui dépendent fortement des exportations vers les États-Unis. Il a fait remarquer que les économies du Canada et du Mexique sont plus vulnérables en raison de leurs volumes d’exportation importants vers les États-Unis, contrairement à la situation inverse.

 

Confiance des investisseurs et volatilité des marchés

Le défi auquel les investisseurs sont confrontés est d’évaluer la longévité et l’incidence des annonces de politique a été l’un des principaux thèmes abordés par M. Timmer. La nature imprévisible de l’administration actuelle crée un contexte de volatilité, dans lequel les marchés ont du mal à intégrer les répercussions à long terme dans les prix. Selon M. Timmer, cette incertitude peut entraîner une volatilité accrue sur les marchés, mais elle offre également des occasions aux investisseurs avisés. Il a conseillé aux investisseurs de maintenir des portefeuilles diversifiés et résilients pouvant faire face à divers scénarios économiques. Cette stratégie repose sur une répartition équilibrée entre des actions, des obligations et des actifs non traditionnels comme l’or et le bitcoin, qui ont fait preuve de résilience et qui ne présentent pas de corrélation avec les catégories d’actifs traditionnelles. M. Timmer a souligné l’importance de détenir un portefeuille diversifié, notamment composé d’actifs non corrélés aux actions, comme l’or et certaines marchandises.

 

Répartition mondiale et marchés émergents

La discussion a ensuite porté sur la répartition mondiale et M. Timmer a comparé la valorisation et le rendement du marché américain à ceux des marchés internationaux et émergents. Il a souligné que même si le marché américain semble plus cher avec un ratio cours/bénéfice plus élevé, cela se justifie par une meilleure croissance des bénéfices et des rendements des capitaux propres plus élevés. Cette dynamique souligne l’efficacité du marché américain à restituer les bénéfices aux investisseurs au moyen de rachats d’actions et de distribution de dividendes.

La situation des marchés émergents est, en revanche, plus nuancée. Bien que ces marchés offrent des occasions potentielles, leur rendement est souvent influencé par des facteurs comme la dilution des actions et des conditions économiques variables. M. Timmer a précisé que les marchés émergents peuvent de temps à autre bien se comporter, mais les avantages structurels dont dispose le marché américain en font une région plus fiable pour y investir à long terme.

 

Réserve fédérale américaine et politique monétaire

M. Timmer a également analysé la récente décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) de laisser les taux d’intérêt inchangés. À son avis, il s’agit d’une décision prudente, étant donné que l’inflation n’a pas diminué de façon significative et que le marché du travail demeure vigoureux. La position actuelle de la Fed est conforme à divers modèles de la règle de Taylor, indiquant que d’autres baisses de taux pourraient ne pas être nécessaires à moins que les tendances inflationnistes ne changent. Cependant, la situation pourrait être différente pour le Canada si les tensions commerciales s’intensifient et se transforment en une véritable guerre commerciale, ce qui pourrait entraîner une légère récession et nécessiter un assouplissement de la politique monétaire de la Banque du Canada. M. Timmer a également souligné que l’écart entre les taux de la Fed et ceux de la Banque du Canada pourrait augmenter, selon l’incidence des tensions commerciales sur chaque économie.

 

Prime d’échéance et politique budgétaire

M. Timmer a traité d’un autre point important, soit la prime d’échéance qui correspond au rendement excédentaire dont les investisseurs ont besoin pour détenir des titres à long terme. Cette dernière a été négative en raison des mesures d’assouplissement quantitatif. Ces mesures étant maintenant terminées, la prime d’échéance pourrait augmenter, ce qui entraînerait une hausse des taux d’intérêt à long terme. M. Timmer a également spéculé sur les politiques budgétaires que l’administration américaine est susceptible d’adopter, soulignant que même s’il pourrait y avoir des efforts pour contrôler le déficit budgétaire, la portée des changements importants demeure limitée en raison des droits, des dépenses liées à la défense et du service de la dette. Selon lui, l’administration américaine pourrait chercher des solutions créatives, comme conclure des accords avec des homologues étrangers pour maintenir les taux d’intérêt au plus bas.

 

Conclusion

L’analyse exhaustive de M. Timmer souligne l’importance de comprendre la dynamique du marché et de maintenir une stratégie de placement diversifiée en période d’incertitude. Comme toujours, il est essentiel de rester informé et de s’adapter pour investir avec succès.